L’Éternité et un jour

entretien avec Yorgos Arvanitis, AFC
par Jean-Michel Humeau, Hélène de Roux et Armand Marco, AFC

Jean-Michel Humeau : On te connaît et on t’apprécie depuis un certain temps, mais on ne sait pas comment tu es arrivé au cinéma, quelles ont été tes études ? Tu as été reporter, cadreur ? Si tu veux bien nous parler de ta trajectoire personnelle !

Yorgos Arvanitis : [TRADUIT PAR KIRA KITSOPANIDOU] C’est une longue histoire, et ce n’est pas par hasard. Je viens d’une famille d’agriculteurs, qui n’avait aucun rapport avec les arts. Après la guerre civile entre fascistes et communistes qui a suivi la Libération en Grèce, ma mère a été détenue en prison pendant huit ans. De toute évidence, ma famille n’était pas du côté des fascistes... Pendant la première élection prétendument libre, mon père est allé voter ; on l’attendait avec une enveloppe pré-timbrée d’un côté, et de l’autre côté un flingue. Il a préféré prendre le maquis dans la montagne. Il a été tué sur place. C’est une histoire de cinéma, presque, puisqu’il est retourné pendant la nuit revoir sa famille, il est tombé dans un piège et on lui a tiré dessus. Il est resté sept, huit heures vivant, mais les soldats fascistes l’encerclaient, et autour d’eux les villageois s’étaient groupés, et parmi eux ma grand-mère, qui regardait son fils mourir. Quand tout le monde est parti, sa mère a voulu l’enterrer, mais on ne l’y pas autorisée, parce qu’il était communiste. Elle a creusé un trou et a enterré son fils, et quand ma mère est sortie de prison, elle n’a jamais pu savoir où il était enterré, parce que ma grand-mère était aveugle et ne savait plus où c’était. On n’a jamais retrouvé la tombe. J’avais cinq ans. Ce sont des souvenirs comme dans un rêve : je vois mon père sur la place du village, avec la barbe et la cartouchière...

Après ces événements, c’est mon oncle, le frère de ma mère, qui nous a accueillis à Athènes. Il avait quatre enfants déjà, et ça lui faisait huit enfants désormais. Il fallait qu’on commence à travailler : je travaillais le matin, et j’allais au cours du soir. J’ai commencé à faire du théâtre et il s’est avéré que j’étais bon. Je n’avais eu aucun rapport avec le cinéma alors : la première fois que j’ai vu un grand écran, c’est quand je suis monté sur un arbre pour voir le cinéma en plein air, comme il y en avait beaucoup à Athènes. J’avais quinze ans. Mon oncle avait une petite taverne et une crémerie pour laquelle je travaillais. En plus, j’étais serveur à la taverne. A côté de la taverne, il y avait un artisan électricien, qui m’a embauché comme assistant. Marteau, pince et sacs de plâtre à monter dans les étages, c’était dur. Quand j’ai terminé l’école primaire, j’ai commencé une école de pratique technique, pour devenir électricien à mon tour. J’étais un des meilleurs élèves, je devais obtenir une bourse pour partir en Allemagne et poursuivre mes études mais quand ils ont vu mon dossier, ils ont vu que ma famille était communiste et ont bloqué la bourse.

Après l’école, j’ai travaillé sur des chantiers, et j’ai découvert une école qui formait des acteurs, et j’ai choisi de devenir acteur. Je travaillais sur les chantiers le matin, et le soir j’étudiais l’art dramatique. Là, j’ai connu un autre électricien, qui avait la même passion et qui était électricien au cinéma. J’ai demandé si moi qui étais aussi électricien je ne pouvais pas aussi travailler dans le cinéma... Il a parlé de moi et on m’a engagé sur des tournages. J’avais dix-sept, dix-huit ans : je faisais le ménage, j’apportais le café... Quand j’ai vu la caméra, j’ai dit : « Bon voilà, c’est ça ! » J’étais un peu la mascotte des tournages, parce que j’étais un gringalet et j’avais l’habitude de poser beaucoup de questions. Ça faisait rire les autres parce que je demandais des bouts de pellicule pour apprendre, et quand on s’arrêtait pour déjeuner, je demandais aux machinistes de me montrer la caméra, comment on faisait les travellings. A l’époque les directeurs photo étaient les dieux sur le tournage, ils s’occupaient des filtres qu’ils gardaient cachés... Pendant que les autres déjeunaient, je découvrais l’Arriflex. J’ai appris à charger. J’ai emprunté l’appareil photo d’un ami, une lampe pince-bol, et je sollicitais ma mère et ma sœur comme modèles pour m’exercer à la photo. C’étaient les premières images que je prenais, j’étais tout content. J’ai commencé à découper des photos dans les magazines pour comprendre comment on cadrait, et je faisais le cadre avec des morceaux de carton sur les photos, simulant les travellings, les plans serrés...

Après, j’ai commencé à étudier la peinture et à apprendre comment cadrer, les lignes horizontales et verticales, la composition. J’ai compris que le peintre, grâce à l’usage de la lumière, de la couleur et du cadre, guide le regard du spectateur. Comme j’avais fait ces premières images, je me rendais dans une cafétéria où les techniciens de cinéma se réunissaient, et je les leur montrais avec beaucoup de fierté. J’ai fait fuir un peu tout le monde à force, et il n’en est resté qu’un seul, Giorgos Kavagias, qui m’a demandé si ça m’intéressait de travailler comme assistant.

- « Oui.
- Est-ce que tu connais l’Arriflex ?
- Oui.
- On commence demain. »


...

 

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