Christian Guillon : entretien

Directeur de la photo à l’origine, Christian Guillon a choisi de se tourner vers les effets spéciaux. De l’optique et la mécanique aux images de synthèse, les outils changent mais le métier est le même, parce qu’il demande les mêmes capacités d’écoute, d’astuce et d’imagination. Découverte d’un personnage et d’un métier, à travers souvenirs et prospectives.
(Jean-Michel Humeau)

Au début était L’Unique...

Christian Guillon : « L’Unique représente un épisode intéressant, parce qu’il a été le premier film européen doté d’images de synthèse. Il raconte l’histoire d’une chanteuse dont un producteur malintentionné (Charles Denner) fait faire un double en hologramme, un clone, par un savant fou (Samy Frey). Ce film-là a été pour moi un sésame pour les images de synthèse. Il n’y avait pas de logiciels à l’époque, on n’achetait pas d’ordinateurs à la Fnac, et il n’y avait pas de possibilité de mélanger en numérique ces images de synthèse aux images issues de la prise de vues. On l’a fait en optique : on a sorti des images de synthèse en filmant en 35 mm un écran, une préfiguration d’imageur, et on a mélangé ces images avec la prise de vue en trucage optique. C’était très rudimentaire, sauf que tout à coup ça nous ouvert, à moi en tout cas, le monde du numérique. J’ai ensuite rebondi sur cette expérience-là, j’ai milité pour que nos petits camarades du cinéma découvrent les images de synthèse, j’ai essayé de partager cette découverte d’un univers nouveau. On pouvait tout d’un coup faire des images sans prise de vue. C’est l’essence du concept d’ “ image de synthèse.” Je pensais à l’époque que c’était une vraie rupture, pas seulement technologique mais aussi sémantique et culturelle. Je passais un peu pour un Martien : avant il fallait mettre des choses devant une caméra, maintenant on pouvait ne partir de rien et faire des images quand même. C’est ce qui faisait peur à tout le monde à l’époque.